YWC#6 : Faire rayonner Caen dans le monde nordique
Date : 5 décembre 2015
Heure : 10h00
Où ? Le Royal Hôtel – place la République, Caen
Invité : Jérôme Remy, directeur du Festival Les Boréales à Caen.
Si la Bretagne dispose d’un rayonnement au sein du monde interceltique, la Normandie réunifiée doit pouvoir développer un réseau actif au sein d’un monde “internordique” que l’on peut imaginer construire.
Caen dispose de liens très forts sur le plan culturel et universitaire avec les pays scandinaves et doit porter l’ambition d’être la capitale des liens avec le monde nordique.
Economie, créativité, start up, sport, Presqu’île de Caen,… comment y parvenir ?
1- Caen, un problème de communication
Caen est très loin de valoriser tout ce qu’elle a et le festival Les Boréales en est le reflet. Caen et la Normandie constituent à la fois le lieu le plus naturel de développement du festival, mais il est fort probable que celui-ci aurait eu une résonance plus forte ailleurs, dans une ville à la communication plus ambitieuse.
L’association Yes We Caen, elle-même, incarne ce paradoxe : ceux qui veulent faire vivre Caen n’y habitent plus.
D’où vient cette problématique de la « modestie normande » ? On pourrait évoquer le choc de la destruction en 1944, qui a plongé Caen dans une profonde réserve, mais d’autres défendent l’idée que cette caractéristique était également présente dans les siècles précédents.
Caen doit donc prendre conscience de ses atouts pour surmonter le fatalisme ambiant.
2- Le développement des liens avec le monde nordique
L’Europe du Nord constitue la seule zone plutôt saine dans de nombreux domaines : valeurs, économie, écologie, parité, égalité, vivre ensemble.
Les relations se sont construites dans les années 1980, dans un contexte de décentralisation et d’affirmation de la Région Basse-Normandie. Elles se sont déclinées à travers le logo de la Région (un drakkar) et à travers le développement de liens avec le Hordaland, première puissance économique (via son pétrole offshore) du pays dont la capitale est Bergen.
Ces relations s’inscrivent dans une histoire plus ancienne. Ce sont les maisons suédoises, les premières crèches, les dons d’ouvrages, la présence d’une diaspora, à partir de 1945 pendant les années de la reconstruction. C’est l’ouverture, à partir de 1947, d’un cursus fondé sur l’études des langues scandinaves à l’Université de Caen. Les enseignants se lancent alors dans la traduction de la littérature nordique.
3- L’intérêt que représentent les pays nordiques
Lors de la création du festival, en 1992, on sort des « années frics ». Pourtant cette aire géographique mérite d’être étudiée de près. Pour résumé, on pourrait dire que le monde nordique a de l’argent et des idées.
Sur le plan économique, tout d’abord. La Suède est ainsi le 3e exportateur mondial. La Finlande a connu une forte crise économique à cause d’un système national très dépendant de Nokia. Elle a réinventé une première fois Nokia en 1993, qui a transformé son activité fondée au départ sur la fabrication de caoutchouc. La diffusion des nouvelles technologies était novatrice à l’époque (un ordinateur par habitant), l’invention du SMS. Cette capacité à se réinventer s’appuie également sur le développement de liens forts avec l’Asie (importation, recherche, etc.), en profitant de sa position géographique.
Sur le plan sociétale, avec parfois des réformes de fond, comme l’autorisation pour les femmes à devenir pasteur
Sur le plan éducatif, avec moins d’heures d’enseignement, mais de meilleurs résultats. On observe dans certains pays 2,5 enseignants pour 20 élèves. Orientation de l’apprentissage sur le développement individuel du futur citoyen à travers la capacité à devenir quelqu’un.
Sur le plan culturel, avec un nombre impressionnant d’artistes en relation avec le nombre d’habitants. En Islande, 80% des enfants font de la musique. Avec seulement 330 000 habitants qui peuplent l’île, c’est chaque année une génération spontanée d’artiste qui émerge.
La Finlande estime que ses deux principales richesses sont « la culture et l’éducation », pendant que les centres culturels français sont désertés. C’est le cas notamment des Instituts Français dans les pays nordiques. Les Espagnols, avec les Instituts Cervantes, semblent plus efficaces pour diffuser leur langue, avec une forte volonté de promouvoir leur culture. La politique du Quai d’Orsay est désormais beaucoup plus axée sur les BRICS.
Le festival s’est élargi progressivement aux pays baltes. L’Estonie sera l’invitée principale de la prochaine édition. La modernité des pays baltes est passionnante à observer : elle s’illustre par exemple dans le mobilier urbain. La ville d’Atalin est complètement rénovée, par exemple. Beaucoup de liens se sont également créés entre l’Estonie et la Finlande, à travers la collaboration de starts ups ou le partage de la mer baltique.
4- L’évolution du festival à Caen au fil des ans
Le festival est historiquement plus soutenu par la Région que par la ville. C’est la raison pour laquelle son implantation couvre toute la Basse-Normandie. Il a souffert de plusieurs conflits historiques comme les relations difficiles entretenues entre Caen et Hérouville, entre Caen et la Région. Il est néanmoins monté en puissance dans la ville depuis les mandats de Messieurs Duron et Bruneau. Il souffre toujours de l’absence de liens organiques avec les services culturels de la ville et de l’agglomération.
L’année prochaine s’avère cruciale puisqu’il s’agira du 25e anniversaire du festival qui arrive à la fin d’un cycle. L’avenir passe par un lieu, un endroit où, tout au long de l’année on puisse avoir un point de chute pour l’animation nordique. L’animation culturelle de ce lieu pourra s’appuyer sur les instituts culturels présents à Paris et qui font régulièrement venir des artistes : ils pourraient utilement prolonger leur programmation à Caen, via ce lieu. Ce lieu pourrait enfin être multiple, à travers la diversité de bâtiments présents sur la Presqu’île : la BMVR, la Maison de la Recherche et de l’Imagination, le Cargö, l’ESAM ou encore la Pavillon de Normandie.
5- L’avenir des relations avec le monde nordique : réaction aux propositions de YWC
La constitution, en cours, d’un jumelage avec une ville suédoise représente une opportunité, à condition de nourrir le projet avec du fond. La mairie est en attente de propositions, le lien entre jumelage et parcours nordique de Sciences Po est envisagé. D’autres partenariats sont relativement méconnus, comme les liens qu’entretient l’ESAM avec trois écoles nordiques.
Ces échanges doivent se placer sous le signe de la modernité voire du futurisme. A ce titre, l’année Hasting 2016 organisée par l’office du tourisme représente une inquiétude : celle de la promotion d’une ville tournée uniquement vers son passé.
L’implantation de consulats honoraires sur la Presqu’île est une bonne idée : cette question se joue au niveau de l’agglomération.
L’ouverture de la BMVR peut en effet relancer cette idée d’un espace sur le monde nordique. Elle doit devenir un véritable lieu de vie (restaurant, etc.), bien au-delà d’une bibliothèque. L’observation d’exemples issus du monde nordique pourrait être utile pour construire le projet. La bibliothèque de Condé-sur-Noireau a reçu le prix Bibliothèque par la revue Lire Hebdo. Elle peut s’appuyer sur le TGI nouvellement implanté qui apportera des débouchés au restaurant et sur sa vue directe sur le canal, qui est un véritable atout.
L’idée de l’implantation d’un bâteau viking ludique navigant sur la Presqu’île est également une bonne idée. On pourrait envisager d’y installer un restaurant inspiré de la nouvelle cuisine nordique.