YWC#16 : le Mémorial et le tourisme à Caen
La session de novembre était consacrée au Mémorial de Caen et son avenir. Nous avons eu le plaisir de recevoir le témoignage de Stéphane Grimaldi, directeur du musée.
Stéphane Grimaldi a souhaité inscrire son action dans la lignée de Jean-Marie Girault qui a fondé le Mémorial malgré les résistances, pour permettre aux visiteurs de comprendre la fragilité de la paix. Le musée est tout sauf un musée militaire, il analyse le conflit comme une guerre totale, et réunit de jeunes historiens de grands talents pour le concevoir.
En 2005, le musée se trouve dans une grande difficulté financière, face à une concurrence de plus en plus forte. Le site n’a plus assez de ressources pour garantir son développement. Stéphane Grimaldi est appelé pour redresser la situation. Le musée modifie ses statuts pour se tourner vers l’ingénierie culturelle, en initiant des collaborations avec d’autres musées à travers le monde, auxquels il partage son expérience et les compétences acquises par ses équipes, sous forme de prestations de conseil. C’est le cas du Mémorial dédié au 11 septembre à New York : “On exporte une méthode de travail, qui reste encore aujourd’hui inédite.”
Une dynamique d’investissements est enclenchée : reprise de la gestion du site d’Arromanche, Falaise. Des expositions sont co-produites avec d’autres musées (Sarajevo). Le Mémorial se transforme en groupe européen de production scientifique dans un contexte d’internationalisation. Un nouvel investissement est prévu en 2018 pour l’ouverture d’une nouvelle extension dédiée à l’Europe et à son histoire.
Pour Stéphane Grimaldi, le Davos de la Paix prévu à Caen ne doit pas tomber dans l’angélisme mais interroger nos failles, nos échecs, par exemple relatifs à l’ex-Yougoslavie. Une guerre n’est en soi pas racontable et la Bataille de Normandie ne fait pas exception. Aujourd’hui, la manière dont on parle de la Seconde Guerre mondiale n’est pas celle d’il y a dix ans, parce qu’il y a des nouvelles archives, de nouveaux angles. Les événements sont mis en perspectives d’une façon différentes, comme le tribut payé par la Chine (20 millions de morts), le poids de l’URSS dans le succès du Débarquement ou les exodes de la population civile qui résonnent aujourd’hui avec ce que peuvent vivre les migrants.
Stéphane Grimaldi souligne que le Mémorial de Caen, par son succès, a déséquilibré l’image de la ville. Il faut désormais déconstruire l’image d’une ville détruite. Il faut que Caen devienne une véritable destination touristique car l’effort financier pour recruter des visiteurs est de plus en plus lourd.
Le directeur du Mémorial a nourri au fur et à mesure un profond attachement à la ville, au point d’envisager d’y demeurer : “il y a un complexe caennais qui m’agace : on a abdiqué devant Deauville, Bayeux, devant le 6-Juin. On a reconstruit silencieusement cette ville. Pourquoi ne pas être fier de sa ville ? Les premiers à convaincre, c’est nous même”. Il observe un embellissement de la ville, le développement de la vie nocturne, une ville plus gourmande, plus sensuelle. Les indicateurs touristiques sont en hausse. C’est à la nouvelle génération de tracer ce chemin d’affirmation.
Le musée quant à lui se porte bien en matière de fréquentation : 400 000 personnes, 100 000 scolaires (90% des francais), 80 000 en groupe, individuels (70% francais, 30% d’étrangers), 25 ans de moyenne d’âge, soit un rajeunissement de dix ans. Selon une enquête de l’institut CSA, la Bataille de Normandie demeure un marqueur fort de notre ADN collectif, y compris pour la nouvelle génération.