YWC#12 : Comment démocratiser la musique avec le Conservatoire ?
La session de mars 2017 était consacré au Conservatoire de Caen, l’un des fleurons culturels de la ville, qui dispose de son propre orchestre, une particularité partagée avec Bayonne. Nous avons reçu Claire Paris-Messler, alors directrice du Conservatoire de Caen.
La question de la démocratisation est au coeur de cet établissement de service public dont la raison d’être est de promouvoir l’excellence musicale et artistique : “cette démocratisation de la culture est aujourd’hui au centre du projet du Conservatoire. L’idée pour la nouvelle saison est ainsi de partir des oeuvres de façon plus concrète et moins théorique, afin de créer des liens entre les deux. 42 concerts par an, 10 concerts d’orchestre, artistes invités (musique de chambre, Napoleon, Beethoven, Jazz free plus que patrimonial). Une tournée dans les villes de l’agglomération sera organisée, avec des prix réduits, accompagnée d’une préparation des élèves en amont.”
L’accès au Conservatoire pour un large public demeure une véritable question, y compris à Caen : “la création est souvent mono-générationnelle entre personnes qui ont étudié ensemble, ce qui produit un certain esprit du temps. Comment rendre ces productions accessibles à un large public ? Le spectacle doit être cela : l’identification d’un socle commun. Le renouvellement des publics passe par la prise en compte de l’évolution de la société afin d’adapter l’offre. Cet accès peut être difficile pour les nouveaux publics : il faut quitter son domicile, faire de la route, souvent sous la pluie, acquérir un ticket cher.”
L’innovation pédagogique constitue également une voie à suivre pour attirer plus d’élèves issus de milieux différents : “un laboratoire musical se développe avec Bernard Restif, une personne très dynamique qui estime que les machines ne sont pas assez introduites au conservatoire. L’informatique doit être regardé avec intérêt, pour innover. Une nouvelle forme de sélection, croisant les disciplines, a été mise en place, ce qui permet aux enfants de découvrir d’autres instruments.”
Nous avons proposé plusieurs idées susceptibles de contribuer à insérer un peu plus encore le Conservatoire au sein de la ville :
- Réaménager le conservatoire : en faire un lieu propice à la rencontre à l’intérieur et en changeant son apparence à l’extérieur. L’utilisation de toiles permettraient d’en faire un objet d’art en lieu et place de son aspect béton, sur le modèle utilisé par le Mémorial de Caen en 2014.
- Valoriser une saison des élèves en dehors des murs : l’enfermement de la pratique au sein de murs feutrés ne favorisent pas la créativité et la promotion du Conservatoire. Les élèves pourraient « créer l’événement » dans différents lieux de la ville (tramways, jardin des plantes, stade d’Ornano, etc.) permettant à Caen une vie culturelle moins policée.
- Changer l’image du Conservatoire à travers une présence active et décalée sur les réseaux sociaux : la programmation et les initiatives innovantes du Conservatoire mérite d’être mieux connue des Caennais. L’invitation de twittos influents caennais à des concerts, la réalisation de vidéos (à l’image des coulisses du conservatoire) pour « humaniser » la structure, et sur un mode « le Conservatoire fait bouger la ville ».
- Inventer de nouveaux espaces de concert : la place St-Sauveur pourrait être l’écrin de concerts majestueux tandis que la Bibliothèque Alexis de Tocqueville propose un théâtre de verdure idéal proche de l’eau, comme l’Allemagne a su les développer. L’exemple nantais est intéressant, avec une formule « barbecue+musique le dimanche ».
- Développer des projets avec la scène electro caennaise : Caen est très reconnue pour sa scène musicale indépendante et ses têtes d’affiche (Superpoze, Fakear, Orelsan). Le croisement de ces têtes d’affiche, très appréciés des jeunes, avec l’orchestre des élèves du Conservatoire, pourrait permettre une belle promotion au service de l’innovation musicale. Le développement de projets artistiques ou de concerts communs (à Beauregard ?) ouvrirait le champ des possibles au-delà de la traditionnelle opposition classique/moderne.
- Développer les liens avec le sport : sport et musique font appel à certaines aptitudes communes. Un regard pourrait être intéressant à porter sur le fonctionnement des centres de formation de sportifs dans différentes disciplines, comme source d’inspiration ou de croisement.